[Faberritana] Te Amo

Parfois lorsqu'elle me laisse seule, livrée à moi-même pendant des minutes se muant en heures, je pense. En fait je pense toujours quand elle fait ça... À moins qu'elle m'ait laissée particulièrement épuisée, ça dépend de son humeur... Néanmoins, le plus souvent elle me laisse assez consciente pour réfléchir, pour ressentir son absence, avoir le temps de me poser des questions. Reviendra-t-elle ? Va-t-elle m'oublier comme ça ? Combien de temps avant qu'elle me libère de son absence ? C'est pour ça qu'elle crée ces mises en scène, pour voir jusqu'où j'irai pour elle, à quel point je suis prête à me soumettre à ses caprices. Ce qu'elle n'a pas compris c'est que j'ai une confiance aveugle en elle. Pourtant, je n'ai jamais eu confiance en personne... Personne à part elle, et elle le sait. Elle en joue, repoussant chaque jour un peu plus mes limites psychologiques. Mais elle pourra forcer, pousser et tout essayer, je ne flancherai pas. Pour elle je supporterai tout, je l'aime. Elle est ma vie, mon souffle, mon âme. Pourtant elle ne le comprend pas, elle ne le voit pas. Alors elle se rassure comme ça. Elle me demande de lui prouver chaque jour qu'auprès d'elle je me sens assez en sécurité pour qu'elle me fasse ça. Et maintenant ce petit jeu a envahi nos vies. Il ne se déroule plus seulement le soir, il fait partie intégrante de notre quotidien. Sa passion, la seule chose à lui procurer un tel bien être, une chose indissociable de moi, car comme elle le dit, nous sommes intrinsèquement liées toutes les deux.

Je ne le sais plus vraiment. Peut-être me l'avait-elle simplement évoqué, sur le ton de la discussion, et je n'y avais pas porté plus d'attention que ça... Alors elle avait ramené sa première paire de menottes, elle m'avait demandé si je lui faisais confiance et j'avais silencieusement hoché la tête. Nous étions encore au lycée à l'époque. Elle m'avait délicatement attaché les mains aux barreaux du lit avant de couvrir mes yeux de son écharpe.
- Me laisseras-tu le contrôle total, sans poser de questions ?
Sa voix avait été rauque, plus empreinte de désir qu'elle ne l'avait jamais été. À cet instant précis, sa voix m'avait plus touché qu'elle ne l'avais jamais fait avant. Son envie s'y faisait si présente, si violente et retenue à la foi... Alors j'avais encore hoché la tête.
- Si je vais trop loin, dis juste Te Amo...
Et c'est comme ça que ces deux mots étaient devenus les nôtres... Deux mots dans lesquels résideraient à jamais toute ma confiance en elle. Deux mots que je n'avais jamais eu à utiliser.
Ses lèvres s'étaient posées sur les miennes, chaudes, ardentes même. C'est fou ce que les sensation changent lorsque l'on est privé d'un sens.
- Je t'aime.
Et ça avait été tout ce qu'il m'avait fallu pour me laisser complètement aller. Ce soir là, elle n'avait pas été très loin, elle avait commencé en douceur, me prouvant que j'avais raison de m'offrir complètement à elle, à la merci de ses moindres désirs. Elle m'avait fait l'amour, simplement, comme toujours, la seule différence se résumant à mon état d'impuissance. Et j'avais aimé. J'avais aimé ressentir chacune de ses caresses, chaque frôlement de ses doigts sur mon ventre. J'avais aimé son souffle chaud sur ma peau, le bruit de sa respiration saccadée. J'avais aimé ressentir toutes ces petites choses dont je n'avais pas conscience lorsque je me reposais sur ma vue. Elle m'offrait un nouveau monde, un monde fait de caresses et de sensations. Un monde dans lequel il n'y avait pas à réfléchir, pas à décider, un monde ou j'étais libre de ne rien faire d'autre que d'être et de vivre chaque instant, de le ressentir au plus profond de moi.

Petit à petit elle était allée un peu plus loin, mordant doucement ma peau pour la lécher ensuite, griffant légèrement mon dos, mes côtes sans qu'aucune marque se subsiste, laissant sa trace dans un suçon pour prouver sa possession sur moi. Le jeu n'avais jamais dépassé les quelques morsures bleutées dans mon cou, elle faisait toujours attention à ça, elle n'avait pas besoin de plus. Ce n'était pas la violence ou la douleur qu'elle recherchait, juste le contrôle, la preuve de ma confiance la plus pure.
Et nous nous étions installées ensemble, elle avait choisi la maison, elle voulait sa pièce, un endroit qui serait dédié à ça. Elle a dépensé toutes ses premières payes dedans, l'ambiance comptait autant que l'action à ses yeux, elle aimait le psychologique du jeu. Des murs de pierre, des tentures noires et rouges, un chandelier et un lit, un immense lit dont les montants offraient des possibilités d'attache sans fin. Quand elle fut heureuse de la pièce, elle passa aux accessoires, économisant des mois pour réunir sa collection de menottes, de liens aux matières diverses, de bandeaux et même d'autres objets, plus violents, qu'elle n'utilisait jamais sur moi, juste pour la mise en scène.

C'est vrai, je n'ai jamais supporté que quiconque me domine, à chaque fois qu'un homme a fait mine de prouver sa force sur moi, j'ai détesté ce sentiment. J'ai toujours détesté me sentir faible face à quelqu'un d'autre, cette incapacité à me protéger, à protéger ceux que j'aime, c'est la sensation que j'ai le plus haït de ma vie. Et pourtant, pour elle je vis cette situation, autant qu'elle le désire, y trouvant moi-même du plaisir. Je ne comprends pas vraiment d'où vient la différence, pourtant l'un me terrifie et l'autre me mène à l'extase. Je ne sais pas... Peut-être que c'est parce que je l'ai choisi. J'ai choisi de lui faire confiance, de lui laisser le contrôle, à elle et personne d'autre.
Je suis sûre que dans les mêmes conditions, avec les mêmes gestes, les mêmes mots, je ne serais pas capable de me soumettre à une autre personne. Elle a gagné ma confiance, elle m'a prouvée qu'elle la méritait en restant à mes côtés pendant des années, en apprenant mon rythme, en s'adaptant à moi. Comment une étrangère pourrait la remplacer ? Elle est irremplaçable, inimitable, unique.

Des bruits de pas derrière la porte me ramène à la réalité. Elle revient. Je n'en ai jamais douté, elle revient toujours, elle reviendra toujours. Elle sait quand les liens commencent à devenir insupportables, elle ne me laisse jamais subir ça. Je sais qu'elle a installé des caméra dans notre pièce. Elle a trop peur que quelque chose se passe mal, que j'ai besoin d'elle. Elle me surveille religieusement quand elle part, elle me connaît mieux que personne d'autre, le moindre changement dans mon attitude lui apprend tout ce qu'elle veut savoir.
Le grincement de la porte, et je sens sa présence se rapprocher de moi, sa chaleur envahir mon corps. Elle passe sa main le long de mon ventre, m'embrasse et défait mes liens discrètement. Mes bras retombent mollement sur le matelas et je sens maintenant ses mains s'activer sur ma peau, vérifiant discrètement que je ne suis pas blessée, que les liens n'étaient pas trop serrés, trop contraignants. Je sais que je n'ai pas le droit de bouger, elle ne m'en a pas donné l'autorisation, alors j'attends, profitant un peu plus de sa peau contre la mienne. Elle est allongée sur moi maintenant, et je sens bien que ses inquiétudes sont passées. Ses mains se font plus pressantes, ses lèvres aussi. Elle glisse sa main dans la mienne et la serre fort, c'est notre code, encore un, quelque chose entre nous. Maintenant je sais que j'ai le droit, alors mes mains bougent jusqu'à son dos. L'attache les a rendues plus fébriles, plus impatientes et je ne sais pas par où commencer, quelle partie de son corps toucher en premier. Pourtant en quelques secondes notre danse a repris, immuables malgré ses multiples nuances, et nous faisons l'amour comme nous seules savons le faire.

Je suis allongée sur le lit, reprenant doucement ma respiration. Je sens son cœur battre plus fort dans sa poitrine, elle est toujours allongée sur moi. Ses mains bougent un instant, et la faible lumière de la pièce illumine son visage alors que le bandeau tombe des mes yeux. Son sourire est toujours là, radieux, et ses grands yeux bleus plongent au plus profond de moi, scrutant un signe qu'elle n'aurait pas vue.
- Tu vas bien ?
- Oui.
Elle est comme ça, elle l'a toujours été. Prévenante... C'est ce qui la caractérise le mieux. Peu de personnes pourraient comprendre ce que nous avons, voir que c'est elle la dominante du couple, que malgré nos occupations derrière des portes closes, nous restons des personnes normales, amoureuses, attentionnées l'une envers l'autre. Elle n'a jamais mis ma sécurité ou mon bien-être en péril, elle a toujours fait attention, comme elle fait attention au moindre détail lorsqu'elle m'apporte un petit-déjeuner au lit ou qu'elle me masse le dos après une longue journée de travail.
Mes lèvres se posent sur les siennes, le jeu est fini. Ses bras se serrent autour de moi, protecteurs, et je la sens se détendre légèrement.
- On va dans notre chambre ?
Un sourire illumine son visage alors qu'elle hoche de la tête. Notre chambre, même s'il y a un lit ici aussi, ce n'est pas le même endroit. Ce que nous faisons ici est peut-être une passion, mais ce n'est pas notre vie, et par le simple fait de dormir dans un autre lit, nous nous le rappelons à nous-même. Sans prendre la peine de se rhabiller, elle se lève et prend ma main dans la sienne pour me tirer hors de la pièce. Lorsque j'arrive dans notre chambre, des pétales de rose sont étalées un peu partout sur le sol, des bougies illuminent la scène d'une lueur douce. Dans le coin, une petite table a été dressée avec un dîner et un bouquet de fleurs. Alors elle m'attire dans ses bras et me tient tout contre elle.
- Joyeux anniversaire bébé.
Oui, déjà trois ans que je vis avec cette grande folle pour femme. Trois ans que je n'échangerais pour rien au monde.